Les 3 réflexes à avoir avant de se lancer dans une levée de fonds

Camille Tyan
4 min readNov 2, 2016

Malgré la multitude sources de financement accessibles — banques, subventions, venture capital, crowdfunding, business angels — les entrepreneurs ont tendance à se focaliser sur deux modèles : garder le contrôle en s’endettant auprès des banques ou maximiser les montants investis en passant par une levée de fonds, le plus souvent via des fonds de capital risque.

Depuis la création de PayPlug, qui opère une solution de paiement en ligne à destination des PME, nous sommes passé plusieurs fois par ce processus de recherche de fonds anxiogène, incertain et parfois même douloureux ! Au delà de la qualité d’un projet, j’ai essayé de comprendre ce qui différencie les entrepreneurs qui lèvent facilement de ceux qui galèrent. Le montant ? La source de financement ? L’approche ? Le timing ?

En posant ces questions à plusieurs entrepreneurs et investisseurs, j’ai découvert 3 points qui permettent de traverser ce passage obligé sur le chemin de la start-up, tout en limitant les embûches !

1) Connaître les risques de son projet

En 2012, nous venions de créer PayPlug et cherchions notre toute première source de financement avec pour seuls arguments une idée et une présentation Powerpoint…

Rapidement, nous avons évalué nos points forts :

  • Le marché : il s’élève à 650M€ en France seulement, avec 15% de croissance, et seulement quelques acteurs présents
  • L’équipe : une expérience complémentaire avec des CV qui « parlent » aux investisseurs

… et surtout nos faiblesses, c’est-à-dire les risques que présentaient notre projet :

  • Techniques : sera-t-on assez performants et sécurisés pour concurrencer les banques ?
  • Règlementaires : le contexte va-t-il être favorable aux startups ou privilégier les banques ?
  • Commerciaux : comment se faire connaître et acquérir de nouveaux clients ?
  • Concurrentiels : quels acteurs vont se lancer dans la course et avec quel positionnement ?

Connaître les risques de son projet est vital dans le processus de recherche de financement car, en plus de pouvoir les expliquer, cela vous aide à choisir le type d’investisseurs à approcher, ceux auprès desquels vous connaîtrez le plus d’intérêt.

Au vu des risques liés à PayPlug et des montants nécessaires, nous avons vite exclu le financement en dette. Nous avons donc cherché des personnes prêtes à parier sur nos deux atouts : le projet et les fondateurs. C’est donc auprès de nos réseaux (professionnel, académique…) et de nos proches que nous avons trouvé 500 000 euros en octobre 2012.

2) Définir une gouvernance adaptée à sa maturité

En 2014, deux ans après sa création, PayPlug était « on track » : nous avions levé les risques du marché, commencions à rentrer du chiffre d’affaires et cherchions de nouveaux fonds pour confirmer l’opportunité.

Au départ, notre choix se portait plutôt sur une levée VC. Après plusieurs pitch en France et à l’étranger, nous avons eu des bons retours, reçu des « term sheet » et c’est là que nous avons pris connaissance des conditions d’investissement : l’importance de tenir son business plan, les décisions du board, les conditions de succès imposant des règles strictes sur le rendement attendu… À cet instant, nous avons compris que ce type de financement n’était pas adapté à PayPlug à ce stade de l’aventure.

Au contraire, nous avions besoin du plus de liberté possible, de pouvoir garder une très forte agilité, pouvoir faire évoluer le budget plusieurs fois par an, d’engager des partenariats ou de réaliser des recrutements rapidement, de réfléchir à la stratégie sans avoir à réunir un board qui aurait sa propre vision du business.

Au même moment, nous avons découvert la plateforme de financement participatif (crowdequity) Anaxago. L’idée est simple — faire appel à des business angels en masse — tout comme le process : pré-sélection, instruction, road-show, publication, levée. En cinq jours seulement, nous avons réunis une somme record de 400 000 euros, qui est venue s’ajouter aux 500 000 euros récoltés auprès de nos actionnaires. C’était le meilleur choix possible à cet étape de notre développement et par rapport à ce que nous souhaitions accomplir en tant que fondateurs.

3) Comprendre les attentes de son audience

En 2015, nous avons obtenu une subvention d’un montant de 1,75 million d’euros auprès de la Commission Européenne, au sein du programme “Horizon 2020 — Instrument PME”, un fond de 3 milliards d’euros pour développer la compétitivité européenne dans l’innovation ! Ça ne s’est pas fait tout seul : la clé de cette réussite a été de chercher à comprendre les attentes de notre audience, ici un correcteur académique de la commission.

Comme pour toute levée de fonds, l’idée était de préparer un pitch, sauf que celui-ci devait avoir un format précis, décrit dans un PDF de 150 pages et rédigé par l’administration européenne… Pour en venir à bout, nous nous sommes entourés d’experts qui connaissent le formalisme attendu, mais le vrai tournant de notre préparation a eu lieu quand on a trouvé deux rapports de la Commission : l’un portait sur la nécessité pour l’Europe d’augmenter le nombre de PME vendant en ligne, et l’autre sur le fait que le frein à cette augmentation était la complexité et le risque de fraude des systèmes de paiement en ligne existants.

Nous nous sommes focalisés sur ces deux axes pour avoir un discours qui parle aux évaluateurs. Cette approche est valable quel que soit votre interlocuteur : qu’il soit un banquier, une business angel, un organisme régional… il faut parler selon ses codes et surtout montrer qu’on comprend et répond à son besoin.

Pour assembler des financements il est donc nécessaire d’avoir une très bonne connaissance de ses risques, définir le bon fonctionnement, et comprendre ses investisseurs. Au total, depuis la création de PayPlug, nous avons levé près de 5 millions d’euros. Sans aucun doute, notre compréhension de ces trois éléments nous a permis d’y parvenir chaque fois avec (un peu) plus d’aisance.

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Camille Tyan

Building fintech startups. Previously founder @PayPlug , ex @Google , @McKinsey.